Entretien avec Julie Braunstein, du Pôle Simon Le Franc : se former au Portugal sur les questions migratoires Reviewed by on . Julie Braunstein, jeune salariée auprès du Centre Paris Anim’ Pôle Simon Lefranc, a eu l’occasion de partir durant une semaine au Portugal dans le cadre du proj Julie Braunstein, jeune salariée auprès du Centre Paris Anim’ Pôle Simon Lefranc, a eu l’occasion de partir durant une semaine au Portugal dans le cadre du proj Rating: 0

Entretien avec Julie Braunstein, du Pôle Simon Le Franc : se former au Portugal sur les questions migratoires

Julie Braunstein, jeune salariée auprès du Centre Paris Anim’ Pôle Simon Lefranc, a eu l’occasion de partir durant une semaine au Portugal dans le cadre du projet « Radio Méditerranée ».

Porté par Peuple et Culture, et différents partenaires étrangers, ce projet interculturel invite les jeunes à changer de point de vue et (ré)interroger le fait migratoire de par la réalisation d’une émission radio.

Après une première édition à Tanger, la deuxième édition s’est déroulée à Almada, au Portugal, du 7 au 14 octobre 2019, et elle a vu la participation de Julie.


Julie, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Julie Braustein, je travaille au Pôle Simon Le Franc depuis un an. Très récemment, j’ai été missionnée sur un gros projet.

Tu peux nous en dire plus ?

C’est un projet interculturel, au Portugal, avec une vingtaine de jeunes réuni.e.s. On était plusieurs pays présents, à savoir l’Algérie, le Maroc, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France et le Portugal. La thématique de la rencontre était la question de l’accueil et la mise en place d’actions pour les réfugié.e.s et les migrant.e.s qui viennent dans nos pays. La question principale était essentiellement de s’interroger sur la possibilité de créer un cercle vertueux pour que ces personnes puissent s’intégrer, trouver ici ce qu’elles cherchent par rapport à ce qu’elles ont fui chez elles.

Qu’as-tu appris de la situation actuelle des réfugié.e.s et des migrant.e.s au Portugal ?

Il y a une énorme demande de la part d’étranger.ère.s qui souhaitent venir dans les différents pays d’Europe. Effectivement, la plupart des pays présents sur ce projet sont des puissances inscrites dans le monde et n’ont pas vraiment de problème au niveau des besoins primaires.
La demande est énorme, mais la réponse à cela est très précaire parce que la réalité économique fait qu’on n’a pas forcément de gros moyen mis à disposition pour mettre des choses en place (…). Et en même temps il ne faut pas oublier que, dans chacun des pays présents, il y a beaucoup d’associations, de personnes qui s’interrogent, qui essayent de mettre en place une pensée collective fructueuse pour mener des actions, des combats, et faire des propositions. Souvent il n’y a pas de grosses enveloppes mises à disposition pour ce type d’actions, face à beaucoup de bénévoles qui veulent aider.

Il y a aussi quelque chose à ne pas perdre de vue, c’est que les mouvements migratoires vont forcément croître – et peut-être pas dans le sens qu’on pense parce que les problèmes ne vont pas tous se localiser à un même endroit – car on a aussi des ressources qui s’amoindrissent. Est-ce que les choses seront vraiment mises en place quand les personnes qui n’ont jamais connu de besoins réels vont prendre conscience que ce que vivent les autres, c’est une situation en état d’urgence ? Quand on est un touriste dans le monde, on n’est pas réellement considéré comme un étranger, on est considéré comme un touriste. Qu’est-ce qui fait qu’un.e étranger.ère qui vient chez nous pour s’installer est considéré comme un étranger.ère, alors qu’un.e touriste a le droit de voyager dans le monde entier et d’être accueilli.e à bras ouverts ?

Quels sont les endroits que tu as visités ?

On a visité deux centres d’accueil : le Jesuite Service for Refugiees est un lieu d’accueil pour l’insertion et l’apprentissage. (…) Il y avait une classe pour apprendre le portugais – une première démarche intéressante parce que, on ne va pas se mentir, l’une des plus grosses barrières, c’est la langue : si tu ne sais pas t’exprimer, si tu ne sais pas communiquer avec les gens, les personnes vont directement t’identifier comme étranger.ère. Il y a également d’autres classes comme le développement personnel et professionnel, pour dire, par exemple, aux femmes « Vous n’êtes pas obligées d’être femmes de ménage, vous n’êtes pas obligées de garder les enfants, vous n’êtes pas obligées de faire des petits boulots. Si vous voulez être entrepreneuses, vous pouvez l’être (…) ». Cela pour montrer à ces personnes des perspectives et des possibilités de vie qu’elles n’auraient pas envisagé (…).

A côté de cela, on a visité le National Support Center For Inclusion Of Migrants, qui est un centre avec le même principe [que le centre Jesuite Service for Refugiees]. Une fois dans ce centre, on a rencontré une personne non issue du centre qui présentait la situation, mais de son point de vue à lui, avec du recul.

Un exemple : une pochette d’accueil nous a été présentée et à l’intérieur on y a retrouvé des choses utiles, sauf quelque chose qui nous a choqué tou.te.s : un tee-shirt donné aux migrant.e.s avec des écrits dessus « J’ai besoin d’aller aux toilettes », « J’ai besoin de boire », « Où je trouve ci ou ça ? »
Or, est-ce quand la personne qui nous a présente ça était vraiment sincère dans sa démarche ? Car nous étions là pour faire en sorte que ces personnes se sentent accueilli.e.s et non pas cataloguées comme des « personnes qu’on aide ». On ne peut pas traiter ces personnes comme si on était leur « grands sauveurs » !

Enfin, on a visité une ancienne prison qui a été réaménagée, devenue un lieu écoresponsable avec aussi une dimension culturelle. Dans une salle de concert, un homme rappait en plusieurs langues (arabe, portugais, anglais, français) : on peut se dire qu’il y a de la richesse en réalité.

Tu as pu faire la rencontre avec le Ministère de l’Intérieur. Peux-tu nous en parler ?

Lorsque nous nous sommes rendu.e.s au Ministère, nous avons rencontré un élu. Nous avons pu lui poser des questions concernant la situation d’accueil des réfugié.e.s et des migrante.s au Portugal. Par exemple, savoir s’il y avait assez de moyens par rapport au nombre de demandes, qu’est-ce qui est mis en place pour répondre aux besoins, etc. De manière générale, les réponses que nous avons eues étaient celles d’un politicien. Nous avons entendu ce que nous souhaitions entendre…

Je ne pense pas que rien n’est fait pour améliorer la situation, mais ce qui est fait n’est pas suffisant. Enfin, on en a beaucoup plus appris en allant directement dans les centres et au cÅ“ur des lieux où les choses se passent qu’en allant au Ministère. On en a plus appris sur la situation au contact des gens qui vivent la situation et en recueillant leurs témoignages. On en apprend plus sur le départ, le voyage, l’arrivée, par les gens qui l’ont vécu, que par une personne qui de toute manière va devoir dire ce qui doit être dit. On le voit mal nous dire « Effectivement, on ne fait pas assez… ».

Tu as parlé d’un « gros projet » que vous aviez à faire en cette fin de semaine intensive au Portugal. Qu’en est-il ?

Il s’agissait d’une restitution sur le travail de la semaine. Il n’y avait pas une trame fixe, c’est nous qu’avons dû penser notre contenu et ce qu’on voulait montrer. Il fallait notamment réfléchir à la typologie de médias à utiliser.

Finalement, il y a eu de tout : de la vidéo, avec notamment le témoignage d’un collègue qui a raconté son expérience de réfugié parti de la Syrie et qui vit actuellement en Hollande. Ça donne du sens au projet, ça lui donne aussi quelque part une essence. Mais on avait aussi des textes, dont un texte mis en voix : un de mes collègues a créé un personnage pour expliquer la réalité des traversées des pays d’Afrique vers les pays d’Europe. C’était très émouvant et très dur car c’était vraiment le récit de ce que plusieurs personnes ont pu vivre dans leur vie. En plus, ce texte était sous forme de poème. La poésie est vraiment médiatrice de sentiment. Et c’est beau de pouvoir mettre des sentiments sur un sujet où on parle principalement de chiffres…

Il y a eu également une restitution de photos. Le choix a été celui de l’émotion, comment faire passer des émotions en ciblant certaines parties du corps et les en ramenant à un contexte ? Il s’agissait de créer un vecteur d’émotion. Par un toucher, un sourire, une expression neutre… Des émotions qu’on voit dans la vie de tous les jours, mais qui peuvent vouloir dire autre chose ici. Par exemple un sourire va amener à réfléchir à ce que peut vouloir dire ce sourire, ce qu’il cache ou ce qu’il démontre.

Il y avait également du dessin, un rap, c’est là qu’on s’est rendu.e.s compte que l’art est également un très fort moyen de médiation, qui va toujours nous toucher. C’est d’ailleurs l’un des premiers héritages que nous nous sommes laissés entre individus, dans notre histoire.

La restitution était étudiée de telle manière que tout soit donné à voir, que ça soit comme une déambulation, un chemin à parcourir. Nous avons beaucoup utilisé la notion de storytelling.

Ce projet c’était aussi une manière de dire : « regardez ce qui se passe, regardez ce que certain.e.s vivent, vous ne voulez pas voir ? Est-ce que cette situation elle est trop inconfortable pour vous, est ce que peut-être vous n’êtes pas au courant, est-ce que peut-être les médias ne présentent pas clairement ce qu’il se passe ? Peut-être vous êtes concerné.e.s et vous voudriez savoir qu’il y’a des gens que votre situation intéresse ? »

Ce projet permettait aussi les rencontres, l’apprentissage, la possibilité de former des groupes de personnes provenant d’endroits complètement différents, avec des cultures, des personnalités et des aspirations différentes. C’est une manière de montrer que le mélange des différences peut donner quelque chose de vraiment beau. C’est aussi ça qui donne du sens au sujet qu’on a abordé.

De manière globale, pourquoi tu as fait cette expérience ? Quel bilan tu en fais ?

De cette semaine, je ne retiens pas tout de manière hyper consciente. Je retiens que ça a été une semaine formidable. C’était une chance de pouvoir participer à ce projet, de pouvoir sentir qu’on avait une importance en tant qu’individu et de voir qu’un individu, plus un individu, plus un autre individu ça peut donner de la force.

Quand je repense à cette semaine je me dis « j’ai fait ça et ça… » mais finalement j’ai envie de dire « nous » en fait. On a tout fait ensemble, on a évolué les un.e.s avec les autres. Jusqu’à tel point qu’une fois le travail terminé, on continue ensemble. Avoir partagé ces moments de vie ensemble, c’est aussi ce qui a permis qu’on produise un travail collectif fort.

Si notre groupe a été aussi soudé, c’est aussi grâce à nos encadrant.e.s, ils avaient une pédagogie super. En une seule journée, ils ont fait de nous un groupe. C’est passé par des jeux linguistiques de présentation, et avec tout ce qu’on a vécu autour de ce sujet et tout ce qui nous a été donné à voir et à apprendre. Je retiens que c’était une semaine riche à plusieurs niveaux.

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